Texte de présentation pour la nouvelle pièce "vents souterrains" de Anna Röthlisberger écrit lors de sa résidence de création en Israël en oct/nov 2011.
Deux corps, deux présences, deux énergies singulières soumis au flux d’une même matière. Deux colonnes actives dont le mouvement infuse l’épaisseur de la chair laissant jaillir la source d’une vaste mémoire où se jouent de subtils échanges entre règne animal, déploiement végétal et latence minérale.
Deux organismes se reconnaissant l’un l’autre comme de la même espèce créent par un jeu de reflets mimétiques le champ vibratoire d’un corps plus vaste où souffle l’intensité du magma. Traversés par des vents souterrains, mus par un réseau de correspondances organiques, les corps s’inventent au gré de leur inertie propre, laissant surgir par irruptions progressives les contours d’une matière humaine, les profils féminins de deux individualités.
L’espace s’installe en strates à partir du sol où les corps trouvent le support initial d’une avancée verticale. Poussé par l’influx d’une motricité qui s’excentre vers la périphérie des membres, fouillant la dimension sphérique du binôme en relation, le mouvement se dessine, affirme sa trace et pose les fondements d’une danse en devenir.
Inscrit dans une temporalité sans âge, l’espace sonore fabrique une architecture glissante d’où émerge la continuité d’un cycle, tissant le fil abstrait de différentes époques. Une organisation transversale se propage entre corps, espace et matières sonores où se confrontent en abîme le chant de l’intime et la perspective fuyante d’une quête universelle.
Anna Röthlisberger propose ici une pièce intimiste en rupture avec le fil de son parcours. Abandonnant toute narrativité elle laisse parler la chair en deçà de toute identité. Nourrie par des séjours prolongés en Israël, pays où résonnent au quotidien les fractures de l’altérité, elle prend le risque de ne pas nommer pour laisser surgir le flot d’un “en commun” qui se révèle à lui même et pose pas à pas l’ouverture possible de la rencontre.
Yanaël Plumet
Tel Aviv, novembre 2011
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photo © Yanael Plumet